Déjà, pour Panic in Detroit, j’avais évoqué mon goût pour certaines chansons du groupe de métal allemand Rammstein. Cette toile s’inscrit dans la même dynamique, directement inspirée par l’un de leurs classiques : Puppe.
Dans cette chanson, un enfant—peut-être très jeune—vit avec sa sœur qui travaille juste à côté. Pour l’apaiser, elle lui donne des médicaments, laissant planer un doute : s’agit-il simplement d’un calmant, ou d’une substance plus puissante ? En plus de ces traitements, elle lui offre une poupée, un objet censé le réconforter et combler sa solitude.
Mais à travers les murs, l’enfant entend sa sœur recevoir des hommes, parfois plusieurs à la fois. Un jour, quelque chose semble mal tourner. Cette fois, l’enfant ne prend pas ses médicaments. Dans un geste brutal et cathartique, il arrache la tête de sa poupée, lui mord le cou et affirme qu’il va très bien.
Toute l’ambiguïté du texte vient du mot allemand Schwester, qui peut désigner aussi bien une sœur qu’une infirmière. Ainsi, l’interprétation oscille entre deux visions : celle d’une prostituée ayant la charge d’un jeune frère, ou celle d’un patient interné, enfermé dans un univers psychiatrique trouble et oppressant.
Ma toile se tourne vers cette seconde hypothèse, qui me semble plus percutante, notamment par la symbolique du rapport à la poupée et à la destruction de l’objet en tant qu’exutoire émotionnel. L’univers psychiatrique que j’explore ici est celui du début du XXe siècle, une époque où les perceptions du dysmorphisme intellectuel et des pathologies mentales engendraient des approches radicales, parfois dérangeantes.
Au-delà de cette œuvre, cet aspect du monde psychiatrique—où la frontière entre souffrance, génie et aliénation est parfois ténue—m’interpelle profondément. Certaines formes de dysmorphisme intellectuel donnent naissance à des idées d’une originalité et d’une puissance inouïes, ouvrant des perspectives fascinantes à explorer, tant sur le plan artistique que philosophique.
La photo a été prise lors de la 1ère présentation de la toile. On notera que les contours portent des inscriptions qui sont un bref récit de l’histoire.
A la suite de la toile, j’ai écris ma version de la chanson de Rammstein. Ce n’est pas un plagiat mais une version orientée de la proposition chantée du groupe allemand :
Tel que vous me voyez là, je suis dans ma chambre
Où je ne vis que dans l’attente de petite sœur
Qui vient toujours me voir et qui sait si bien me comprendre
Pour me donner ses bonbons qui calment mes douleurs.
J’aime bien ses bonbons, même s’ils sont amers,
J’en ai plusieurs par jour, de toutes les couleurs
Petite sœur me reprend chaque fois le verre
Avant d’aller voir je ne sais qui, des hommes, à coté ou ailleurs.
Petite sœur m’a dit qu’on sortirait, un jour, un jour prochain
Qu’on irait dans un « parc » voir des « arbres » et des « fleurs »
Souvent je ne comprends pas tous ses mots, si lointains
Mais je crois à ce qu’elle dit car cela chasse mes peurs
Parfois, il m’arrive de m’échapper, mais chut, c’est un secret !
Hissé sur la pointe de mes pieds nus, je regarde par la fenêtre
Dehors, tout est noir : est-ce çà le « parc » à contempler ?
Ou est-ce seulement décembre que je ne sais plus reconnaitre ?
Un jour, petite sœur m’a donné une jolie poupée
Pour que je sois moins seul quand petite sœur s’en va
Je l’aime beaucoup petite sœur, autant que ma poupée
Mais aujourd’hui j’ai peur, petite sœur n’est pas là.
J’ai entendu des cris, ceux des hommes d’à-côté je crois
Puis d’autres cris, puis le silence, puis plus rien
Ce soir, une autre petite sœur est venue s’occuper de moi
Elle m’a donné des pilules, elle a dit « pour ton bien »
J’ai pas voulu les avaler, j’ai tout craché dans les toilettes.
J’ai peur pour moi et petite sœur : que lui est-il arrivé ?
C’est la faute de « ceux d’à-côté » qui œuvrent en cachette
Jaloux qu’ils sont tous de mon amour pour ma poupée
Alors, pour me venger, avec mes dents j’ai arraché la tête
De ma jolie poupée pour que petite sœur revienne
Désormais plus d’obstacle, plus rien ne nous arrête
Petite sœur et jolie poupée, dans ma bouche sont les miennes
Et je me sens bien….
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