Je me suis marié en 1981. Mon témoin se prénommait Patrick.
Un an plus tard, Patrick à son tour se mariait.
La lune de miel a été de courte durée et les querelles sont devenues régulières au sein de ce nouveau couple, faisant fuir, petit à petit, les relations éloignées aux amis proches.
Jusqu’au soir où, à l’issue d’une énième dispute, Patrick se tira une balle de revolver dans la bouche.
Chacun pourra imaginer la détresse dans laquelle un tel geste plonge l’entourage de la victime. Comme le dit Bruno Samson « le suicide n’est au fond réellement qu’un appel au secours, entendu trop tard…”
Le jour où Patrick est mis en terre, je suis à l’hôpital où je dois passer une épreuve de mise en situation professionnelle pour valider mon année d’étude. J’arriverai en retard à l’église et au cimetière. A l’époque pas de cellule de soutien psy…
Depuis ce jour, j’élabore de façon hebdomadaire, une toile pour exprimer ma douleur, le cri (« NON !!! ») que je n’ai pas pu pousser avant que Patrick n’appuie sur la gâchette. Combien de dessins, d’encres de chine, de collage, de tableaux n’ai-je pas réalisé dans ma tête, de jour seul dans ma tournée d’infirmier, comme de nuit dans mes plus pénibles insomnies ?
Mais le moment est venu, là, après la réalisation de mon
autoportrait 2023. Il m’aura fallu une heure trente pour réaliser les deux toiles. Une heure et trente minutes pour soulager 41 ans de silence, de cri muet…
Mon T-shirt est bon à tordre. Je suis vidé. Mais ma tête, mon esprit et mon cœur sont en paix.
