Cette toile, que l’on pourrait qualifier de « particulière », est une œuvre dont je pourrais parler des heures durant. Mais plutôt que de me perdre dans une dissertation sans fin, je vais tenter de retracer sa naissance et d’en éclairer le concept.
Tout a commencé chez moi, alors que je travaillais avec mon fils. Nous utilisions une bombe de mousse polyuréthane, un matériau que je connaissais bien pour l’avoir expérimenté quelques années auparavant. Une fois les travaux terminés, l’amusement a pris le relais : sur une toile d’un mètre carré, j’ai laissé la mousse s’épandre, formant de longs boudins… juste pour « voir », pour me lancer, peut-être vers une nouvelle expérience.
Il n’a pas fallu longtemps avant que mon imagination s’empare de ces formes. Elles évoquaient des intestins, un réseau organique dans lequel, presque comme une révélation, la silhouette d’un fœtus est apparue, dessinée par un tuyau de sac à urine. C’est alors que la mémoire a fait son œuvre : je me suis rappelé une phrase du « Je vous salue Marie » — « et le fruit de vos entrailles, est béni ». Ces quelques mots ont cristallisé l’essence de mon interrogation : faut-il passer par la matière pour atteindre la spiritualité ?
Dès cet instant, mon objectif a été de rendre la toile la plus vivante possible. J’ai utilisé tout ce qui me tombait sous la main : couleurs, plastiques fondus au chalumeau… chaque élément ajoutant une nouvelle dimension à l’œuvre. Et tandis que je poursuivais ce travail, mes souvenirs d’études sur le catharisme sont revenus me hanter, infusant progressivement la toile de cette dualité entre matière, enfer, Satan / pureté et lumière, spiritualité, Dieu.
Cette peinture n’a pas vocation à provoquer ou à heurter l’Église, le christianisme, ou toute autre croyance. Elle n’est qu’un miroir tendu à la réflexion : pourquoi les dogmes s’appuient-ils sur des édifices monumentaux, des trônes dorés, des vêtements brodés de fils précieux, alors que tant d’êtres souffrent dans ce monde ? Peut-on transcender la matière pour toucher la spiritualité, ou est-elle un passage incontournable ?
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