François Carrière

Lord de Glencoe

Artiste peintre

L'envol des coquelicots

L'envol des coquelicots - 60 X 80

Pour ceux qui m’ont lu jusqu’ici, ils auront compris mon admiration pour Van Gogh. Ses couleurs, comme ses écrits, sont une inspiration constante depuis que j’ai mis le café à refroidir. Ma visite au Musée d’Orsay n’a fait que renforcer ce besoin d’exalter l’émotion par la couleur. Il est en effet surprenant de voir comment un homme aussi désespéré que l’était Vincent a pu et su utiliser des tons si radieux pour  partager sa quête d’absolu, de compréhension de lui-même et de son univers, .

Mon ami Francis GRANET, photographe professionnel dont l’immense talent est hélas trop peu connu, a réalisé des clichés absolument incroyables où « regarder, observer, voir, sous des angles différents du normatif » lui permet de « montrer l’indicible. Ses créations emploient l’outil photographique, la lumière comme encre, l’existant comme matière. L’émotion joue le rôle du catalyseur». C’est une de ses photos qui m’a conduit à cette toile.

L’idée était d’apporter un espace de « lumière divine » dans la toile de Van Gogh intitulée « Champ de blé aux corbeaux ». Certes les jaunes ne sont pas aussi éclatants que dans d’autres de ses toiles, certes le ciel y est ombrageux, certes il y a les corbeaux… mais ce serait prendre un raccourci hasardeux que de présenter ce tableau comme sa dernière œuvre et de l’associer définitivement à la folie suicidaire de son auteur.

Et quand j’écris «lumière divine» c’est qu’il me semble exister dans ce tableau autre chose que de la folie ou de la tristesse. C’est cet « autre chose », qui relève d’une rencontre harmonieuse entre le peintre et la nature, entre sa quête spirituelle et une possible réponse, que j’ai voulu mettre en scène. La toile que j’ai imaginée repose davantage sur des couleurs allant des jaunes aux rouges. Des jaunes vifs surgissent ici et là dans le chaos d’un champ de blés ou d’herbes sèches, témoignant d’un reste de   gaité. Les rouges, symbole des émotions fortes, dynamisent l’énergie des jaunes, presque violement, dans leur réalisation d’un bonheur joyeux, malgré tout.

Pendant huit nuits, à l’occasion de mes passages insomniaques, j’ai élaboré mon travail de peintre jusqu’à ce jour du 11 mars où, me sentant prêt, j’ai posé la toile sur le chevalet. J’étais déterminé à prendre mon temps pour ne pas « me louper ». Balivernes ! Suivant les conseils de mon « mentor », David Bowie, j’avais recréé dans l’atelier un climat inconfortable, propice à la création. J’écoutais en boucle la musique subversive du groupe post-punk « Virgin Prunes » que je venais de découvrir. De plus, une lombalgie bien gênante venait contrarier mes projets. Bien sûr, j’ai tout donné de moi-même.

La toile a été réalisée en une heure, essentiellement aux couteaux et je n’ai pas voulu la retoucher.

Cette toile n’est ni un plagiat de celle de Van Gogh, ni de la photo de Francis. C’est la lecture des émotions transmises par ces deux artistes, une interprétation d’interprétations. Rien d’autre.

La signature, au dos de la toile, est accompagnée de ces quelques vers composés par le peintre :

  • « Dans les blés d’or, assoupis, 
  • Les coquelicots se laissent bercer par le vent.
  • Le marcheur insouciant a fait un bruit,
  • Bref et sec, les effrayant.
  • Dans le bosquet le plus proche trouver refuge
  • C’est leur unique souci, leur seule inquiétude,
  • Et quand le second pas se fait entendre
  • Les coquelicots s’envolent dans un ciel d’ambre.
  • Ainsi, parfois, sommes-nous calmes et sereins
  • Confiants en nous-mêmes et en nos lendemains.
  • Il ne suffit que d’un heurt, d’une humeur fébrile
  • Pour que notre esprit et notre raison vacillent. »

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